Des chercheures et chercheurs de l’Université du Manitoba, qui veulent éradiquer le capacitisme dans les établissements canadiens, figurent parmi les lauréates et lauréats du concours inaugural Robbins-Ollivier d’excellence en matière d’équité


Les personnes en situation de handicap constituent la plus grande minorité au monde, et Nancy Hansen est fière d’en faire partie.

« Je suis une universitaire en situation de handicap physiquement. Je suis fière d’avoir vécue avec un handicap toute ma vie », déclare Nancy Hansen, professeure et directrice du programme de maîtrise interdisciplinaire en études sur le handicap de l’Université du Manitoba.

« Il y a 1,3 milliard de personnes en situation de handicap dans le monde. Pourtant, pour une raison ou une autre, il semble que nous soyons surpris lorsque nous nous présentons. J’attends simplement que le reste du monde grandisse et considère le handicap comme une question de justice sociale et de droits de la personne », ajoute-t-elle.

À l’Université du Manitoba, elle voit de ses propres yeux les obstacles auxquels se heurtent les étudiantes et étudiants, le personnel et les professeures et professeurs vivant avec des handicaps visibles ou invisibles, en raison de la culture du capacitisme qui règne sur le campus. Qu’il s’agisse de programmes informatiques inaccessibles, de l’absence d’interprétation en langue des signes ou d’une multitude d’autres obstacles physiques, comportementaux et administratifs, les obstacles systémiques se sont accumulés au fil de décennies d’inégalités et de désavantages dans les milieux d’apprentissage et l’écosystème de la recherche.

« Nous devons cesser de considérer le handicap comme une déficience ou une faiblesse. Nous devons reconnaître que le handicap est simplement une différence, une différence qui est la bienvenue sur tout campus », ajoute Nancy Hansen.

Madame Hansen et une équipe de collègues de l’Université du Manitoba s’attaquent désormais de front au capacitisme, dans l’espoir de jeter les bases qui permettront à toutes et à tous d'être les bienvenus sur le campus. L’équipe de recherche, dirigée par Tina Chen, professeure distinguée et responsable de l’équité, de la diversité et de l’inclusion à l’Université du Manitoba, un poste créé en 2022, a reçu un prix Robbins-Ollivier d’excellence en matière d’équité pour son projet Dismantling Ableism and Promoting Equity for Persons with Disabilities: Institutional Action and Accountability.

« Beaucoup de conversations se tiennent sur l’équité raciale et les autres formes d’équité, mais aucune n’aborde la question du capacitisme. Ce projet nous aidera à créer un cadre pour éduquer tous les décisionnaires universitaires », explique Tina Chen.

L’équipe de l’Université du Manitoba est l’un des trois projets d'établissements canadiens à recevoir un prix dans le cadre du concours inaugural Robbins-Ollivier d’excellence en matière d’équité. Financé par le Programme des chaires de recherche du Canada, ce prix est une initiative des trois organismes suivants : les Instituts de recherche en santé du Canada, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et le Conseil de recherches en sciences humaines.

« Le prix Robbins-Ollivier d’excellence en matière d’équité veut aider les universités canadiennes à aborder les questions d’équité. Il reconnaît le travail acharné de l’équipe de l’Université du Manitoba. Le financement accordé apportera le soutien nécessaire pour continuer à réaliser des progrès en s’assurant que les changements dans leurs programmes et politiques créent une expérience universitaire plus accessible pour les étudiantes et étudiants, les professeures et professeurs et le personnel vivant avec des handicaps visibles et invisibles », a déclaré Valérie Laflamme, vice-présidente associée du Secrétariat des programmes interorganismes à l’intention des établissements.

Parmi les membres de l’équipe de recherche, on compte aussi Reg Urbanowski, défenseur de longue date des droits des personnes en situation de handicap et doyen du College of Rehabilitation Sciences de l’Université du Manitoba, ainsi que Diane Driedger, professeure adjointe du programme de maîtrise interdisciplinaire en études sur les personnes en situation de handicap de l’université. Ce projet d’un an comprendra une série de conférences pour créer un espace sécuritaire de discussions sur la construction d’une communauté autour des questions de handicap. Par la suite, l’équipe a l’intention d’élaborer des recommandations pour éradiquer le capacitisme qui seront présentées au Sénat et au Conseil d’administration de l’université.

Reg Urbanowski explique que son objectif est de reconstruire l’accessibilité, les aménagements, la santé mentale et le bien-être des personnes en situation de handicap sur le campus. « Pourquoi ne pouvons-nous pas être une université qui intègre la conception universelle dans nos espaces d’enseignement? Pourquoi ne pouvons-nous pas montrer aux professeures et professeurs comment enseigner à un public universel? », demande-t-il, celui qui qualifie « d’archaïques » les conceptions actuelles des cours et des programmes.

« À la fin de ce projet, nous aurons des recommandations émanant de personnes en situation de handicap sur ce qui pourrait rendre cet endroit plus accueillant et plus inclusif. Si nous voulons être une université pour toutes et tous, nous devons avoir un environnement qui inclut tout le monde », ajoute-t-il.

Selon Diane Driedger, les établissements, comme l’Université du Manitoba, doivent être ouverts à l’évolution de la situation des personnes en situation de handicap. « Les handicaps évoluent, donc notre idée de l’accès doit aussi évoluer ».

Elle cite l’exemple de la pandémie et souligne l’impact des vidéoconférences sur la vie des étudiantes et étudiants.

« Nous avons plusieurs étudiants et étudiantes en situation de handicap qui ont pu suivre leur programme sans problème parce qu’elles ou ils n’avaient pas à se déplacer en hiver, dans les rues de Winnipeg, pour se rendre sur le campus. Au lieu de cela, elles et ils ont pu assister à leurs cours derrière l’écran. Elles et ils s’épanouissent. Ce projet nous aidera à tout repenser pour que le plus grand nombre possible de personnes puissent réussir », ajoute-elle.

L’équipe sait que ses objectifs sont ambitieux, mais elle considère le prix Robbins-Ollivier d’excellence en matière d’équité comme un signe que les temps changent et que le processus est en marche.

« Nous cherchons à déconstruire des centaines d’années de réflexion sur le handicap et les questions qui s’y rapportent. Aucun projet ne pourra à lui seul apporter des changements considérables. Ce n’est que le début du changement, un changement qui constitue un premier pas important », fait remarquer Nancy Mme Hansen.

Pour en savoir plus sur le prix Robbins-Ollivier d’excellence en matière d’équité.